mercredi 29 janvier 2014

L'envol des écrits



On dit « les paroles s’envolent, les écrits restent ».

Mais il y a tant d’écrits qui s’envolent, à commencer par ceux publiés sur Internet ! Qui peut prédire jusqu’où ira un tweet ? Je pense à ma copine @Twitttess, dont un tweet agacé s’est retrouvé dans le Monde. Pour ceux qui parlent de la smala présidentielle, on s’attend bien sûr davantage à une large diffusion. Au passage, les tweets de @bernardpivot1 et de @1Jour1Mot font le tour de la Toile, preuve que Twitter est cultivé, c’est rassurant pour un réseau où les publications sont limitées à 140 caractères.

Et les billets de blog ? Ceux qu’on écrit avec notre cœur, dans lesquels on met tout ce qu’on a, tout seul devant notre ordinateur. Certains restent très confidentiels, lus seulement par les amis, les fidèles, les indulgents (?)… tandis que d’autres s’échappent, sont retweetés, commentés, partagés… on ne sait pas bien pourquoi, on les a écrits pareil que les autres, en mode vase d’expansion. C’est toujours une surprise, je trouve ça assez excitant, de ne pas pouvoir tout prévoir !

Par exemple, je me demande vraiment si ma première contribution à Raconter la vie va prendre son envol et toucher plus de gens que je n’en connais… « émotion en cours de chargement… »

Dites-moi ce que vous en pensez, c’est juste là.

samedi 11 janvier 2014

L'accordéoniste du bureau de poste



Marek contemple avec soulagement l’ombre des nuages qui s’éloigne rapidement, épousant le contour des pavés et du paquet de cigarettes froissé qui gît à quelques pas. Il sait que cela veut dire du vent, le souffle coupant de janvier, mais il ne craint pas le froid. C’est la pluie qui l’inquiétait, et encore, pas pour lui, pour son instrument. Le vieil accordéon, son seul bien de valeur, surtout l’unique objet qui lui appartienne en propre dans cet exil hostile.

En Pologne, Marek était heureux, n’avait pas de question à se poser. Il n’avait pas besoin d’argent. Il vivait dans la petite maison laissée par ses parents à leur mort. Se chauffer pendant les hivers rudes ne lui coûtait que la peine de couper ou ramasser du bois dans la forêt, se nourrir avait tout d’un jeu, puisqu’il lui suffisait de braconner, puis de préparer la viande et les peaux. Pour se vêtir ou compléter ses menus, il n’avait qu’à troquer quelques peaux, quelques journées de travail, dans les fermes voisines, en échange des denrées ou objets qui lui manquaient. Son puits lui fournissait de l’eau, il fallait simplement l’empêcher de geler autant que possible, mais, prévoyant, il en avait toujours en réserve plusieurs tonneaux, qu’il renouvelait régulièrement en été et pouvait faire fondre sur le poêle si nécessaire.

Et chaque soir était une fête. Marek jouait pour ses amis tout le répertoire folklorique qu’il avait appris de son père. C’étaient des nuits de danse qui ne prenaient souvent fin qu’à l’aube. On venait de loin pour s’amuser chez lui, écouter sa musique, acquittant comme droit d’entrée une bouteille de vodka, quelques saucisses, un pain frais.

Oui, Marek était heureux, sans même le savoir. Accroupi sur le sol froid de cette rue piétonne, face au bureau de poste, faisant mentalement le compte des pièces déposées dans la boîte de conserve placée devant lui, il regrette les rires et les chants autour du poêle, les filles d’un jour qui partageaient parfois son matelas gris après qu’il avait rangé son accordéon. Elles n’étaient ni belles ni laides, ne demandaient rien, acceptaient simplement de s’allonger avec lui. La vie n’était pas plus compliquée.

Marek maudit le démon qui lui a fait rêver de quelque chose de plus grand. Il repense au conte de sa babcia, l’histoire du petit poisson d’or qui exauçait les vœux et qu’une femme avide avait fatigué par sa cupidité, réclamant toujours plus de richesses. Ce qui devait arriver arriva, le poisson d’or s’en fut et la femme perdit tout.

Comme elle, Marek s’est laissé éblouir par la promesse d’une autre vie. Un soir, l’ami d’un ami était venu chez lui avec sa sœur, une fille d’une finesse et d’une beauté étonnantes et incongrues dans la vieille maison. Ce soir-là, Marek n’a joué que pour elle, pour effacer la moue ennuyée de sa jolie bouche. Il y était parvenu : bientôt, Kasia riait avec les autres, l’observant de loin à travers ses longs cils bruns. Elle avait de longs cheveux châtains qu’elle coiffait en tresses et chignons compliqués. Kasia n’était pas une fille qui s’allonge sans discuter. Déjà envoûté, Marek ne s’est pas méfié. Il a passé des heures à bavarder avec elle. Elle avait des idées, des projets, des ambitions. 

Hypnotisé, Marek l’a épousée. Elle n’a pas accepté longtemps de vivre dans sa petite maison forestière. Entraînée par son frère, elle a décidé de partir en France. Aujourd’hui, si Marek espère récolter au moins 30 euros dans sa boîte de conserve, c’est parce qu’ici en ville, on ne peut pas braconner pour manger, il faut acheter sa nourriture. Il n’y a pas de puits, il faut payer l’eau courante de l’appartement. On ne peut pas abattre de bois, il faut payer le chauffage collectif. Les rares fermes ne louent pas de bras à la journée : il faut un contrat de travail, et donc des papiers en règle.

Et finalement, tant mieux. Car Marek a pu garder son accordéon. Il ne parle pas la langue des passants, mais a vite appris à jouer leurs chansons. Et pour dix indifférents qui passent, il y a toujours un jeune homme, une femme, un enfant qui s’arrête pour l’écouter, enchanté. C’est encore mieux s’il donne une pièce pour le remercier de sa musique, mais au fond de lui, Marek préfère gagner des sourires que des euros. Kasia ne peut rien y faire, elle ne pourrait sans doute même pas le comprendre.

Alors Marek joue avec passion, repère dans les yeux des flâneurs les morceaux qui les touchent le plus. Certains ne passent qu’une fois, d’autres régulièrement, il les reconnaît, se souvient de la chanson qui les a fait s’arrêter.

Et il y a cette jeune fille. Elle arrive toujours d’un pas pressé, à l’heure de la fermeture du bureau de poste, les bras chargés d’enveloppes marron et de colis. Et chaque fois, Marek se régale de la regarder ralentir, voire s’arrêter complètement en l’entendant entamer « Les amants de St Jean » sur son instrument. Chaque fois, elle croise son regard et lui adresse un sourire timide. Jamais elle n’a déposé de pièce dans la boîte. Son sourire et son plaisir valent tellement plus, on ne peut rien acheter avec.

vendredi 3 janvier 2014

Votre manuscrit a été sélectionné



« Tous mes vœux de réussite ! »
« Je te souhaite le succès »
« Cette année sera celle de ta reconnaissance »

…j’en oublie… mais MERCI à vous tous, qui m’avez souhaité d’être publiée, ça a marché, je vais mettre une bouteille de champagne au frais pour chacun de vous !

En deux mots, j’avais envoyé le manuscrit d’un recueil de nouvelles à Edilivre, qui l’a retenu et m’a envoyé mon contrat de publication.
Ce recueil sera donc disponible dans quelque temps, au format papier et numérique, sur le site de l’éditeur et d’autres libraires en ligne. Bien sûr, je ne manquerai pas de vous faire savoir lesquels le moment venu (c’est que j’ai un jet privé en commande !) :)

En attendant la gloire, donc, je veux remercier sincèrement :

Marie-Marie, pour son soutien indéfectible, son enthousiasme inaltérable, ses commentaires chaleureux, ses apéritifs avec vue imprenable et son carburant indispensable en chocolat suisse.

Jean-Philippe, pour son aide infiniment précieuse, ses corrections pertinentes, ses exceptionnelles compétences orthographiques, grammaticales et pédagogiques et sa générosité.

Cédric, pour son soutien, sa gentillesse et la simplicité qu’il a conservée malgré sa propre ascension.

Blandine, d’abord pour son amitié, mais aussi pour ce moment magique, un matin où elle cassait des noix en entamant la lecture d’une de mes nouvelles, et où je l’ai vue, progressivement ralentir puis poser complètement le casse-noix, captivée par ce qu’elle lisait.

Chantal Martin, ma prof de français de 5e, la première à m’avoir dit que j’avais un « style agréable », elle l’écrivait sur toutes mes rédactions, j’y pense encore.

Et aussi, dans le désordre, Christian, Mathilde, Les Piles, Manue, Patricia, Alexandra, Alix, Isa, la Duchesse Anne, Annabelle, Corinne, Miss Lili, Sandrine, Cyprien, Vanessa, Pierrick, Adam, Bruno et tous ceux qui m’ont encouragée et ont cru que j’y arriverais. Je veux bien que vous continuiez, d’ailleurs, parce que j’ai parfaitement conscience que je viens juste de monter sur la toute première marche de ce long escalier qui m’évoque celui de Cirith Ungol !

L’aventure commence, donc, je veillerai à ce qu’elle reste une joie et un plaisir. Sinon, ce n’est pas la peine…