mercredi 25 avril 2018

Dépassionné



J’aurais voulu des portes qui claquent, de la vaisselle jetée au mur, des traînées de ketchup sur le papier peint de la salle à manger. 

J’aurais voulu que tu me haïsses, au lieu de me pardonner dans une indifférence même pas glaciale. 

J’aurais aimé de la colère, de la rage, tout plutôt que cette bienveillance écœurante.

- Tiens, ce vase, je sais que tu l’aimes bien, prends-le.
- Mais c’est ta mère qui te l’a offert...
- Tu y tiens plus que moi, garde-le, je te l’échange contre tes vinyles de Led Zeppelin.

J’aurais voulu avoir envie d'envoyer ce vase à travers la fenêtre fermée, au lieu de te remercier, et que tu écrases le gros zeppelin à coups de talon plutôt que de te voir manipuler les pochettes fatiguées avec tant de douceur.

J’aurais aimé des sanglots bruyants et incontrôlables, de la morve sur les cols de tee-shirt, mais pas prendre une bière ensemble après avoir trié ensemble nos cartons.

J’aurais voulu The Misfits comme bande son de notre rupture, pas Joe Dassin.

Elles m’insupportent, ces futures divorcées aux yeux cernés par les scènes interminables, comment leur dire que je les envie d'avoir aimé ?

J’aurais voulu qu’on se soit aimés à tout casser, que notre amour s’écroule avec fracas, ne laissant que des brisures sur lesquelles on se couperait.

J’aurais aimé qu’on se jette des mots terribles qu’on aurait regrettés pendant des années. J’aurais voulu te souhaiter autant de mal que je t’aurais voulu de bien, avant.

J’aurais voulu que ça m’importe, la fille qui t’a déposé pour signer les papiers du divorce et qui t’attendait devant le portail, moteur tournant.

J’aurais aimé qu’on se traîne dans la boue, par l’intermédiaire d’avocats qui ne seraient pas le même. J’aurais tant aimé que la passion arrive enfin, même trop tard, dans notre histoire.

Mais nous n’avons jamais perdu nos bonnes manières. Finalement, on était peut-être faits l’un pour l’autre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire